La fondation

Au XIe siècle, la petite cité de Montréal est un bourg florissant établi sur une butte

qui domine la région. Par sa position stratégique entre le duché de Bourgogne et le comté de Champagne, puis entre la Bourgogne et la France, par l’habileté de ses seigneurs, par ses foires et son commerce, Montréal est une ville capable de rivaliser avec Avallon.

saint Bernard, abbé de Clairvaux

L’histoire de la collégiale est intimement liée à celle des Anséric, seigneurs de Montréal. Pour asseoir leur pouvoir et leur prestige, les Anséric entourent Montréal de remparts, en bois d’abord puis rapidement en pierre. Ils établissent leur château sur le sommet de la colline.

Grands bâtisseurs, ils se préoccupent également du salut de leur âme. En 1068, Anséric Ier fonde le chapitre de Notre-Dame, un collège constitué de dix chanoines chargés de prier et de célébrer la louange. La petite église seigneuriale devient donc une église collégiale sous le vocable de sainte Marie.

En 1146, Bernard de Clairvaux, à la demande du pape, vient à Vézelay prêcher la croisade. Anséric II fait partie de ceux qui répondent à cet appel et partent vers la terre sainte. Mais avant de s’engager dans cette aventure dont il mesure tous les dangers, il fait le vœu – s’il revient vivant – d’édifier une nouvelle église.

C’est donc à partir de 1150, tout près de son château dans l’enceinte qui l’entoure, qu’il fait édifier la collégiale que nous connaissons aujourd’hui. Son fils Anséric III en achève la construction.

Renaissance et époque moderne

L’une des stalles sculptées

Les Anséric disparaissent et, à la fin du XIIIe siècle, Montréal tombe dans l’escarcelle du duc de Bourgogne. Puis en 1477, à la mort de Charles le Téméraire, le duché de Bourgogne est rattaché au royaume de France.

En 1521, le roi François Ier vient à Montréal présider les Etats de Bourgogne. Il sait se montrer généreux envers le chapitre de Notre-Dame, et fait un don aux chanoines. Cette somme importante aurait été utilisée pour la réalisation de stalles sculptées dans la collégiale.

Église collégiale, église seigneuriale, la collégiale Notre-Dame n’est pas l’église de la paroisse de Montréal. Curieusement celle-ci se trouve à Cherisy, un ancien village au bord du Serein qui a décliné tandis que Montréal se développait. Lassés de parcourir quatre kilomètres pour assister à l’office et en revenir, au XVIIe siècle les Montréalais obtiennent des chanoines que la collégiale leur soit ouverte. A partir de 1690, le curé de Montréal sera l’un des chanoines.

La réputation de la collégiale était telle qu’on venait en pèlerinage depuis les villages de la région, et même depuis Avallon, distant de 12 kilomètres. Ainsi en 1554, il y eut une procession de 11 paroisses. La dernière eut lieu en 1709, après le rigoureux hiver qui avait plongé la région dans la misère.

La Révolution

Jusqu’à la Révolution, les chanoines sont en charge de l’entretien de la collégiale. Il perçoivent pour cela la dîme prélevée sur les villages alentours, les revenus de leurs terres et biens, ainsi que des dons. Mais une loi révolutionnaire supprime la dîme tandis que les biens sont confisqués au profit de la Nation, puis vendus ou loués comme biens nationaux. La collégiale elle-même devient un bien national.

En 1794 se développe une campagne de déchristianisation en France. Malgré les pressions des autorités départementales, tout le village – ou presque – continue à pratiquer le culte catholique, sans que la municipalité n’intervienne. Ce qui vaudra à Montréal le surnom de « petite Vendée« .

En mai 1794 est promulguée une loi qui accélère les choses : les églises deviennent des temples voués au culte républicain de l’ Etre suprême, elles sont mises à disposition des communes, afin d’y organiser fêtes civiques et réunions publiques. Le repos des dimanches et fêtes religieuses est interdit et remplacé par les décadi et les fêtes nationales.

Dans la collégiale, devenue le temple, la nouvelle municipalité entreprend des travaux. Les murs intérieurs et les autels sont abattus, on fait disparaître quelques une des « vieilles stalles gothiques » qui représentent « des emblèmes et des trophées fanatiques » et on déplace les autres. La sacristie devient un local de rangement : on y place le drapeau, les piques et les archives de la municipalité. Le comité de surveillance se réunit dans une ancienne chapelle. On décore les murs de l’ancienne église de tableaux révolutionnaires et d’inscriptions républicaines. On brise le bas-relief du tympan pour y peindre « Le peuple français reconnaît l’Etre suprême et de l’immortalité de l’âme » et « Liberté, égalité, fraternité« , inscriptions qu’on devine encore aujourd’hui. La clef du temple est désormais entre les mains du maire.

Les inscriptions du tympan

Malgré tous ces efforts, le culte de l’Etre Suprême ne s’impose pas à Montréal, rebaptisé Mont-Serein de 1793 à 1800, pas plus qu’on ne parvient à faire disparaître la pratique du culte catholique. Ultime épreuve de force : au début de l’année 1795, un décret interdit le culte catholique dans les églises et assigne à résidence les prêtres dans le chef-lieu de district (Avallon pour le sud de l’Yonne).

Mais dès le 30 mai 1795, une nouvelle loi autorise les prêtres à exercer leur ministère, s’ils prêtent serment de soumission à la République. Les citoyens rentrent en possession de leur église et peuvent y pratiquer leur culte, sous certaines conditions. Ils doivent élever un autel à leurs frais, respecter les tableaux et inscriptions républicaines. On organise l’utilisation de la collégiale entre catholiques et républicains, en fonction des jours et des heures. De même l’utilisation de l’espace dans le chœur, la nef ou les travées est soigneusement codifiée. L’utilisation des cloches pour appeler aux offices reste interdite. C’est une coexistence pacifique qui s’instaure.

Il faut attendre l’Empire pour que les catholiques de Montréal retrouvent le plein usage de la collégiale.

Au XIXe siècle

Dessin de Viollet-le-Duc

Héritage de la révolution, l’entretien de la collégiale est à la charge de la commune. Or au XIXe siècle, le village de Montréal n’est plus la cité prospère du XIIe siècle. Et les fonds manquent pour entreprendre les lourds travaux de restauration, même les plus indispensables.

En 1840, l’architecte Eugène Viollet-le-Duc conduit les travaux de restauration de la basilique de Vézelay. Profitant des moments libres que lui laisse sa charge, il visite la région et découvre la collégiale, qu’il qualifie de « véritable bijou architectural« . Il écrit dans son Dictionnaire d’architecture : « C’est un des plus beaux et derniers exemples de cette époque … Les profils sont d’une pureté et d’une netteté remarquable, et leur exécution est parfaite.« . Mais il ajoute : « Malheureusement ce curieux édifice a besoin de réparations importantes. » .

Viollet-le-Duc rédige un mémoire à l’intention de la commission des monuments historiques, qui vient d’être créée. Peu après, il obtient que les travaux de sauvetages soient entrepris, pour un montant supérieur à 100.000 francs. La collégiale, classée aux monuments historiques, est sauvée.

De nos jours

Les travaux de réparation, de conservation et d’embellissement ne sont pas pour autant terminés. En 1990, le père Alphonse Garnier crée l’Association des Amis de la Collégiale. Des travaux sont menés en 1998 pour restaurer et embellir l’intérieur.

Au XXIe siècle la Collégiale de Montréal, fondée il y a plus de 800 ans, est un monument historique qui attire chaque année de nombreux touristes.

Depuis 2006, elle est l’aboutissement du spectacle de rue historique créé par l’association « Montréal en lumière« . En 2008, elle est même le thème du spectacle « Le vœu d’Anséric« .

Mais, répondant à l’attente de ses fondateurs, elle est surtout un lieu vivant, une maison qui accueille chaque dimanche une communauté chrétienne venue de nombreux villages alentours.